Marine Le Pen by Fourest Caroline

Auteur:Fourest, Caroline [Fourest, Caroline]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset
Publié: 2020-10-06T00:00:00+00:00

OPA sur la République et la laïcité

« Nous avons ramassé le drapeau tricolore que la classe politique a laissé traîner dans le caniveau, nous relèverons les valeurs traditionnelles de la République française ; les véritables défenseurs de la République, c’est nous ! » C’est par ces mots que Marine Le Pen conclut le congrès de Tours qui la consacre nouvelle présidente du Front national. Chaque mot compte. Comme souvent, le Front national tente de se faire passer pour l’« unique » défenseur d’une cause, afin de mieux se l’approprier. Cette fois, il n’a pas choisi n’importe quelle niche : celle de la République et de la laïcité. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’OPA est osée. De tous les partis politiques français, aucun n’a compté dans ses rangs autant de monarchistes et d’intégristes raillant la République et la laïcité. Le nouveau refrain entonné par Marine Le Pen constitue un virage à 180 degrés.

Pourquoi un tel revirement ? Tout simplement parce que ces thèmes sont très porteurs. Ce qui est la preuve qu’ils n’ont pas été abandonnés ni « laissés dans le caniveau ». La France est l’un des pays les plus laïques au monde. Toutes les lois votées ces dernières années, comme celle de mars 2004 sur les signes religieux ostensibles à l’école publique, ou celle de 2010 sur l’interdiction de masquer son visage dans la rue, en passant par l’adoption de chartes de la laïcité dans le secteur hospitalier, vont dans le sens de la vigilance. S’il existe une certaine confusion chez certains militants d’extrême gauche, la laïcité reste une valeur revendiquée par tous les grands partis : de l’UMP au Parti socialiste en passant par le Modem et bien sûr le Parti de gauche1. Si certains « territoires de la République » régressent, c’est en raison de concessions faites par des élus locaux, qu’ils soient de droite ou de gauche. Le principal ennemi de la sécularisation étant le recul de l’État-providence, et avec lui celui des services publics et du lien citoyen. Mais aussi la dureté du climat politique national et international, qui favorise la montée de la défiance entre citoyens d’appartenances communautaires différentes. Face à cela, quelle est la réponse du Front national ? Réaffirmer le concept d’« égalité », de « fraternité » et de « citoyenneté » grâce à l’école républicaine et laïque ? Bien sûr que non.

Marine Le Pen ne défend pas la citoyenneté mais « les valeurs traditionnelles de la République française ». L’ajout de ce mot, « traditionnel », n’est pas anodin. Il s’agit d’inscrire la République dans une notion ancestrale, où les premiers arrivés ont toujours raison sur les derniers arrivants. Donc de tirer la République vers une vision « traditionnelle » de la Nation et de se servir de la laïcité pour réaffirmer l’identité chrétienne de la France. Tout en instaurant une hiérarchie allant du plus au moins français. Sur le plateau de Semaine critique, Marine Le Pen l’a formulé encore plus clairement : « Être français, c’est respecter les traditions françaises2.

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